Ce que Mass Effect nous apprend sur la physique

Lorsque l'on évoque Mass Effect, on ne pense pas uniquement à un jeu vidéo qui nous proposerait une aventure fictive avachit sur notre canapé. Car cette série est l'une des seules à nous donner vraiment l'impression d'être dans un autre monde, à qui nous a fait vivre son histoire comme si c'était vraiment la nôtre. Et cette sensation n'est pas uniquement due à la qualité des graphismes ou à la direction artistique spectaculaire ni même à l'environnement extra-terrestre. Et peu importe que le jeu se déroule à la troisième personne, car pour nous, c'est comme si nous étions en train de revivre un rêve. Qu'est ce qui fait que l'immersion proposée par le jeu soit si réussie ?

La première raison, celle qui est la plus évidente c'est que l'histoire elle-même et la façon dont vous prenez des décisions au cours de votre progression dans le récit nécessite une véritable participation émotionnelle de la part du joueur : vous n'êtes pas juste un joueur avec une manette dans les mains Vus incarnez Shepard, un être humain de second ordre qui essaie de prouver qu'il ou qu'elle mérite le respect de toutes les races du Conseil et vous êtes là pour sauver la galaxie. Vous êtes tellement impliqué que vous votre propre personnalité va influer le jeu.

Personnellement, nous voulions vraiment convaincre le Conseil et la galaxie que l'humanité est une race pleine de bonté, de force, d'intelligence et nous y sommes parvenus. Nous avons fêté chaque victoire comme si c'étaient vraiment les nôtres, nous avons ressenti de la tension à chaque bataille comme si notre vie était réellement en jeu et nous avons pleuré plus d'une fois au cours de l'aventure.

Mais au-delà des émotions suscitées par le jeu, l'autre raison qui rend Mass Effect si crédible, c'est la possibilité que les technologies imaginées dans la série pourraient très bien devenir une réalité dans un proche avenir. Nous parlons de voyages interstellaires à travers des relais de masse, des puissances biotiques, des champs de force, de l'énergie noire ... Car tous ces éléments reposent sur une théorie scientifique tout à fait plausible.

Pour dire, même la NASA a affirmé qu'ils avaient été inspirés par Mass Effect lors de la récente découverte du système solaire Trappist-1, situé à 40 années-lumière de nous et composé de planètes de taille de la Terre répondant aux conditions nécessaires à la vie. Jeff Norris, du laboratoire de propulsion de la NASA était présent lors du DICE Summit et il déclarant en parlant de la trilogie de Bioware: «Le bon art ne nous inspire pas seulement en tant qu'individus, il peut inspirer et améliorer notre société dans son ensemble. Fabrice Condominas, le producteur de Mass Effect, a présenté le jeu à l'Agence spatiale européenne. Il a par la suite déclaré à Gamereactor que le choix d'Andromeda pour la continuation de la saga avait été "vraiment scientifique". Il a expliqué que le studio collabore avec des chercheurs de différents horizons :

«Nous travaillons avec plusieurs personnes, des gens de l'agences spatiales, des ingénieurs, des xéno-biologistes qui vérifient la manière dont nous animons les extra-terrestres. Et en même temps, nous avons déjà des aliens et nous avons des vaisseaux spatiaux. Il ne s'agit donc pas de la réalité, mais d'avoir une certaine crédibilité. "

<b<Serons-nous un jour capables de voyager à travers la galaxie dans un relais de masse?</b>

D'un point de vue scientifique, le voyage interstellaire est un sujet controversé, mais c'est cette technologie qui très reste très populaire dans la plupart des œuvres de science-fiction. Même si nous devons garder à l'esprit que lorsque l'on parle de relais de masse cela implique beaucoup de science et de physique.

Tout d'abord, pour les novices, nous allons expliquer le concept de ralis de masse. Il s'agit d'énormes structures réparties dans l'ensemble de la galaxie et qui permettent de de créer des portails entre deux points situés à de nombreuses années-lumière de distance, car cela nous prendraient des siècles pour atteindre ces endroits si nous devions voyager jusque-là de manière conventionnelle. Afin de pouvoir parcourir ces distances rapidement, alors, nous avons besoin de ce que dans Mass Effect nous appelons « l'élément zéro ». Cet élément réagit aux courants électriques et émet un champ d'énergie noire qui augmente ou diminue la masse de tous les objets qui se trouvent à proximité. De cette façon, l'énergie noire «nie» la masse d'un navire, ce qui lui permet de voyager plus vite que la lumière (FTL). C'est ce que l'on appelle l'effet de masse, ou « mass effect » en anglais, et c'est naturellement ce qui lui a valu son nom.

Réalité ou fiction? Il faut savoir que l'énergie noire n'est pas quelque chose que la franchise a inventé, c'est une réalité scientifique. C'est le terme utilisé pour nommer la force qui doit exister afin de justifier que les galaxies s'éloignent les unes des autres, alors que la gravité est supposée faire exactement le contraire. En fait, l'astrophysicien Tamara Davis a déjà expliqué au site Scientific American dans une interview concernant Mass Effect en 2010, que ce n'est pas «totalement invraisemblable» d'utiliser l'énergie noire dans les jeux vidéo, car elle est «partout» et «qu'elle changerait légèrement en présence de matière mais que nous ne savons pas comment. "

Cependant, nous ne connaissons toujours aucun élément capable de réduire la masse des objets, donc avec notre compréhension actuelle de la physique, c'est pour l'instant de la pure fiction. En effet, l'effet de masse repose sur le fait que les seules particules qui peuvent atteindre la vitesse de la lumière sont des photons, parce qu'ils n'ont pas de masse. Par conséquent, ils ont créé un système pour que les objets puissent se comporter de la même manière que la lumière, et même ainsi, scientifiquement parlant, ils ne pourraient pas voyager plus vite que les photons, donc il serait impossible pour les humains de voyager à cette vitesse et si nous devions voyager d'une extrémité de la galaxie à l'autre dans un vaisseau à la vitesse de la lumière, cela nous prendrait environ 50 000 ans.

Pour Michio Kaku, physicien spécialiste de la théorie des cordes, l'effet de masse pourrait être réel, et il l'identifie avec de l'énergie négative, ce qui, pour lui, est similaire aux cristaux de dilithium dans Star Trek ou au mélange ("l'épice gériatrique" ) dans le film Dune. Voici ce qu'il a déclaré lors d'une interview donnée à Gametrailers.com : «Quand vous mettez la matière négative dans les équations d'Einstein, alors l'espace et le temps font un nœud, le temps se transforme en une sorte de bretzel et il pourrait donc être possible de construire des passerelles, nous ne sommes pas sûrs de la stabilité de ces passerelles. Je ne voudrais pas être le premier à les utiliser ».

Il fait également référence à ce que nous appelons des «trous de ver» que nous avons déjà vus dans beaucoup d'autres classiques de science-fiction comme Stargate, dans lequel les passerelles ouvrent des tunnels pour atteindre d'autres planètes qui ont aussi leurs propres passerelles. Cependant, les trous de ver sont purement théoriques et spéculatifs et nous ne savons pas s'ils existent ou pas, tout comme les multiverses. Mais ces deux théories sont de bons concepts pour les œuvres et les jeux de science-fiction.

Pourrions-nous avoir des pouvoirs télé-kinétiques comme les biotiques?

Les pouvoirs biotiques de Mass Effect ont aussi un rapport avec l'énergie noire. Avec de tels pouvoirs une personne ayant survécu à l'exposition à l'élément zéro dans le ventre de sa mère peut arrêter les balles, créer des champs gravitationnels et jeter des objets ou même ses adversaires à la manière de Darth Vader lorsqu'il utilise le pouvoir de la Force. Cependant, dans Star Wars il y a un champ d'énergie métaphysique et omniprésent qui recouvre tout l'univers alors que dans Mass Effect nous parlons de la manipulation de l'énergie noire censée accélérer l'extension de l'univers.

Bioware a voulu intégrer l'énergie noire dans le jeu parce que nous ignorons encore beaucoup de chose à son sujet, c'est donc une façon d'incorporer des éléments crédibles sans offenser les amateurs de science. En fait, de nombreux scientifiques étudient cette énergie pour trouver un moyen de la manipuler. C'est le cas de Tamara Davis, l'astrophysicien que nous avons mentionné au début de l'article. Voici ce qu'elle a déclaré à Scientific American à propos des pouvoir biotiques :

«J'aime bien l'idée que des gens puissent être capables de sentir l'énergie noire et de la manipuler. L'un des rôles des jeux vidéo et de la science-fiction est d'aller plus loin que nos connaissances actuelles en utilisant notre imagination."

D'autre part, dans la même publication, le physicien Sean Carroll s'est montré plus sceptique. Il dit qu'il aurait préféré que le jeu utilise plutôt une force qui ressemble à l'énergie noire mais qui n'en soit pas car «il y a une petite quantité d'énergie noire dans chaque centimètre cube de l'univers mais que ce n'est pas assez puissant pour faire les choses décrites dans le jeu ». Cependant, il admet que c'est amusant et intéressant d'intégrer une chose aussi complexe que l'énergie noire dans un jeu vidéo parce que c'est la meilleure façon d'intéresser les gens à la physique. « Les joueurs pourrait entendre ce terme dans le cadre du jeu puis l'entendre à nouveau dans un contexte plus scientifique et cela pourrait les aider à avoir une meilleure compréhension de ce concept. Il y a avec les jeux vidéo l'opportunité de donner une image plus cool de la science».

C'est précisément ça qui fait de Mass Effect le jeu qu'il est : le jeu est presque réel. Il se base sur une idée de «science crédible», ce n'est pas vrai, ce n'est peut-être pas réel, mais ils utilisent des théories bien réelles qui font avancer la technologie et la physique car cela incite les chercheurs à aller plus loin. Cela permet également d'intéresser et impliquer des personnes qui n'ont pas de connaissances dans ces domaines. La vérité c'est que si nous avions découvert Mass Effect quand nous étions au lycée, nous serions peut être devenu des scientifiques. Liara T'Soni aurait été notre modèle et notre inspiration.

Aujourd'hui nous ne pouvons pas incarner Shepard, mais nous pourrions être Liara, ou même Tali, un génie de la mécanique. En plus c'est quand même cool que ces deux génies soient des femmes... Mass Effect est un jeu qui nous enseigne non seulement les sciences et la technologie, mais il nous offre aussi une leçon sur l'égalité et le respect.

Eva Mosquera Rodríguez (vous pouvez la trouver sur Twitter en cliquant Twitter) est une journaliste scientifique spécialisée en astrophysique, en robotique et en missions spatiales. De plus, elle est mentor pour STEM Talent Girl au sein du programme Science For Her.